Skip to main content

L’écoconstruction : une idée forcement d’avenir

Écoconstruction, bâtiment durable. Comment définir ces expressions devenues quotidiennes ? Qu’ont-elles apporté au secteur de la construction ? Comment évoluent-elles ? La construction durable est déjà bien implantée. Et elle a un bel avenir.

« Bâtiment vert », « bâtiment écologique », « écoconstruction ». Ces « mots-valises » marquent le tempo du secteur du bâtiment depuis plus de trente ans. Quel bilan peut-on en dresser ? D’application volontaire, demandés par les maîtres d’ouvrages et les promoteurs pour mettre en avant les qualités de leurs productions, trois référentiels et labels – HQE, BREEAM et LEED – connaissent un succès international.

En France, le plus connu est le label HQE, pour Haute Qualité Environnementale ; il totalise près de 55 000 logements certifiés en France et 50 millions de mètres carrés certifiés dans 25 pays. Le certificat britannique BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method) annonce avoir délivré près de 600 700 certificats dans 93 pays. Quant au certificat américain LEED (Leadership in Energy and Environment Design), il est crédité de plus de 70 000 certifications aux États-Unis, ce qui représenterait 90 à 95 % du total des certificats délivrés.

 

Dépasser les règles de construction communes

Qu’apportent ces certificats aux chantiers de construction ? Le concept de bâtiment écologique embrasse des sujets plus vastes que ce que demandent les réglementations environnementales et énergétiques, centrée sur la thermique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ces référentiels de bâtiments durables visent, d’une part, à atténuer les impacts et les pollutions de toutes sortes que produisent la construction ou la rénovation d’un immeuble dans l’environnement ; et d’autre part, à améliorer la qualité de vie des usagers, notamment par la technicité apportée aux sujets tels que le confort thermique et acoustique, la qualité d’air intérieur, la végétalisation des espaces extérieures pour respecter la biodiversité. Ce, tout en conservant l’objectif de maîtrise économique des constructions.

Concrètement, ces démarches offrent la possibilité au maître d’ouvrage et aux partenaires de son projet – architectes, ingénieurs, entreprises, et parfois même, les usagers – de développer une approche des sujets environnementaux qui sera à la fois globale et pertinente au regard des contraintes d’un chantier.

 

Du général au particulier

Comment s’engager dans un chantier en éco-construction. Dès la phase de programmation, les concepteurs commencent par confronter les priorités environnementales proposées par le maître d’ouvrage aux besoins du futur bâtiment et aux caractéristiques du site. Ces caractéristiques sont bioclimatiques (géographie, relief, végétation, sol et sous-sol, cours d’eau, météo locale, orientation, changements climatiques projetés…), urbaines (contexte environnant, présence de voies de transport ; de réseaux d’énergie, de chaleur ou de froid, d’évacuation des eaux usées et pluviales ; voisinage d’activités commerciales, industrielles…) ou sanitaires (qualité de l’eau, pollution de l’air, émissions de radon…).

Traduite en exigences de performance de l’ouvrage, cette réflexion se concrétise par des choix techniques. On peut les décrire pas à pas.

 

  • Où implanter le bâtiment sur la parcelle foncière pour lui permettre de tirer parti du potentiel du site (insertion urbaine, orientation, énergies exploitables, qualité visuelle…).

  • Quels matériaux retenir pour la structure et l’enveloppe ? Une ossature bois, de brique de terre cuite ou de terre crue ? Est-il possible d’exploiter des solutions de production « hors site », c’est-à-dire en atelier de préfabrication afin de réduire les nuisances de chantier (bruits, déchets...) et s’assurer du respect des délais ?

  • Quels isolants exploiter ? Chanvre, laine de bois, cellulose… ? Quelles sont les capacités locales de fourniture de ces matériaux ?

  • Quels équipements techniques durables adopter ? Faut-il préférer se connecter aux réseaux de chaleur et de froid – à production majoritairement issue d’énergies renouvelables – ou plutôt installer une chaufferie biomasse, une pompe à chaleur à haut rendement ? Faut-il exploiter l’énergie solaire pour produire de l’eau chaude ou de l’électricité ? L’équipement photovoltaïque sera-t-il conçu pour autoconsommer l’énergie ou participer à un smart grid ?

  • Selon la stratégie de récupération d’énergie de l’air extrait – réchauffer l’air neuf, alimenter la source froide d’une pompe à chaleur –, installera-t-on une centrale de ventilation simple flux ou double flux ? Quelle filtration utiliser pour gérer la qualité d’air au regard de la pollution extérieure ?

  • Comment aider les usagers à économiser l’électricité ? La recherche de confort visuel et de la qualité de lumière des espaces doit privilégier les apports solaires gratuits, et l’éclairage artificiel utilisera des sources lumineuses peu consommatrices d’électricité et asservies aux sondes d’éclairement. Idem avec l’eau : comment maîtriser en permanence sa qualité en évitant le développement bactérien ? Comment éviter de la gaspiller pour à la fois réduire le besoin d’assainissement par la collectivité et les charges à payer par les occupants ? Peut-on alimenter les sanitaires en eau de pluie ?

  • La priorité est donnée aux produits non émetteurs de composés polluants ou toxiques. La stratégie d’achat intègre-t-elle l’économie circulaire, le réemploi de produits

  • Techniquement, certains grands ouvrages résidentiels ou tertiaires montrent une réelle sophistication de fonctionnement. L’utilisation d’un système de gestion technique et une maintenance prévisionnelle des équipements sont indispensables pour piloter le bâtiment, corriger les dérives de fonctionnement et assurer la pérennité de l’investissement.

  • Souvent, pour traiter cette question cruciale, le maître d’ouvrage demande, dès le lancement du chantier, l’établissement d’un contrat de performance énergétique, avec une mise en application dès l’exploitation du bâtiment. À défaut, un carnet de vie du bâtiment, où toutes les interventions sont consignées, s’impose.

 

HQE, BREEAM et LEED : peut-on les comparer ?

Cette démarche initiale vaut pour tous les référentiels. Si l’on choisit HQE, elle permet de traiter les quatre objectifs – éco-construction, éco-gestion, confort, santé – et les 14 cibles qui en découlent. Selon le nombre de cibles jugées satisfaisantes, cinq niveaux de certification sont proposés, de passable à exceptionnel.

Exemple de réalisation récente : l’ensemble Villages 3 à La Défense, un immeuble en demi-cercle R+9 de 6 700 m² certifié en 2016 NF HQE « Rénovation Excellent », ainsi que BREEAM « Conception Very Good » et « In-Use Excellent ».

Le label BREEAM compte dix items à traiter, parmi lesquels le site et son potentiel, les matériaux retenus, la prise en compte de la santé et du bien-être, de la gestion de l’énergie, l’eau, les déchets, l’innovation… Les résultats d’audits classent les projets selon cinq niveaux. Parmi les exemples parisiens récents, on peut citer la rénovation d’un immeuble de bureaux de 1 780 m², rue Lafayette, labellisé BREEAM « Very Good ».

Quant à LEED, le référentiel détaille les projets selon sept items qui se recoupent largement avec ceux du label BREEAM ; l’affichage des performances est calculé en points - le maximum étant de 110 – et résumé en quatre classes - certifié, argent, or et platine. L’un des immeubles récents les plus remarquables est IntenCity à Grenoble (26 000 m²), occupé par Schneider Electric ; il concourrait pour atteindre le label LEED Platinium à 103 points.

Pour autant, peut-on les comparer ? S’il y a de fortes similitudes entre les trois labels sur les plans techniques – management des chantiers, analyse de site, matériaux et équipements, énergie, en revanche ils diffèrent sensiblement sur la prise en compte des aspects humains, HQE étant le plus en pointe sur le confort (thermique, acoustique, lumière du jour) et la santé (qualité de l’eau, renouvellement d’air). De manière globale, HQE et LEED partagent quelques prérequis, mais HQE semble se démarquer en raison de la plus forte prise en compte de la performance énergétique. De fait, le label HQE ressort des comparatifs comme le plus exigeant, mais aussi celui qui connaîtrait le traitement des audits le plus long.

 

Des projets ambitieux et performants

Trimble Consulting est investi depuis sa création d'accompagner des projets à forte valeur environnementale et a collaboré sur plusieurs projets emblématiques dans différentes régions du monde. En Amérique latine, on peut citer le projet Reserva do Paiva, à Recife (Brésil), où Iron House (la division real estate du groupe Brennand) a entrepris l’aménagement urbain de 500 ha en zone côtière. Mené en BIM, le projet piloté par les concepteurs locaux AECOM et EDSA tenait compte des impacts des travaux de génie civil sur la topographie et sur les espèces protégées.

Au moyen orient, le projet KAUST, King Abdullah University représente la plus grande certification LEED Platinium quand il a été livré. Trimble Consulting a travaillé sur la Solar Tower qui est une construction complexe et une innovation environnementale pour rafraîchir d’une manière naturelle les espaces du campus universitaire.  Les deux  tours solaires sont implantées entre les bâtiments du campus de l'université de Djeddah (Arabie Saoudite) et ont été conçue par le cabinet américain HOK et construite par Saudi OGER. Cette « cheminée » qui surplombe les locaux d’enseignement a pour but de produire une ventilation naturelle de l’atrium entre les autres parties du bâtiment par effets de convection et venturi. Cet ouvrage participe à la réduction des consommations d’énergie pour la climatisation et la ventilation dans un contexte géographique avec un climat très aride et qui utilise la climatisation d’une manière extensive pour rafraîchir les espaces des batiments.

Troisième exemple avec les tours jumelles de 25 étages Al Bahar Tower (70 000 m²) du promoteur Al-Futtaim Carillion, à Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis) conçues par le consortium ICHQ, Aedas, Mace et Arup. Trimble Consulting est intervenu pour déployer un processus de conception paramétrique BIM, et en particulier pour développer et valider les études de simulations dynamiques pour l’utilisation en façade de 1 049 modules moucharabiehs destinés à maîtriser les apports solaires. Leur gestion automatique commandées par des capteurs de lumière et des anémomètres permet de réduire les consommations d’énergie de 20 %.

 

Une idée d’avenir

Le bâtiment éco-responsable s’est imposé parmi les solutions pour participer à la résolution des problèmes environnementaux, notamment le réchauffement climatique et la transition énergétique. Au cours des dernières décennies, en France, les pouvoirs publics ont multiplié les actions réglementaires. La loi de transition énergétique et de croissance verte de 2015 a posé les grands principes de réduction des consommations d’énergie et de décarbonation de la filière bâtiment. Ainsi, tout le parc de logements doit être porté au niveau « bâtiment basse consommation » d’ici 2050. La stratégie « bas carbone » pour 2050 adoptée à la suite de cette loi fixe une décarbonation quasi complète du secteur du bâtiment : ses émissions de gaz à effet de serre seront limitées à 5 Mt à cette échéance, contre 85-90 Mt en 2018-2020.

Le mouvement se poursuit avec la loi dite Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de 2018 qui a lancé les travaux de la réglementation environnementale RE 2020. Applicable depuis le mois de janvier 2022, elle renforce la performance thermique de l’enveloppe et demande aux bureaux d’études une approche globale et précise des consommations d’énergie et des émissions de CO₂ de tous les matériaux et équipements. De fait, cette nouvelle règle contribue à la transition énergétique en favorisant le chauffage écologique comme les pompes à chaleur ou les panneaux solaires au détriment des chaudières à gaz, émettrices de gaz à effet de serre.

Toujours dans la foulée de la loi Elan, en juillet 2019 est paru le décret sur l’obligation de rénovation des bâtiments tertiaires. Cet énorme chantier engagé jusqu’en 2050 porte sur 940 millions de m² des locaux et doit permettre à terme de réduire des deux tiers les consommations d’énergie de ce parc.

Pour autant, la sobriété énergétique et le faible niveau de rejet de CO₂, tels qu’ils s’affichent dans un diagnostic de performance énergétique (DPE), ne suffisent pas à définir une écoconstruction. Raison pour laquelle le Plan Bâtiment Durable, une structure de dialogue entre l’État et la filière bâtiment, s’est vu confier, au printemps 2021, la rédaction d’un label complémentaire à la RE 2020. Il couvrira les pans entiers laissés de côté : confort et santé, gestion de l’eau, économie circulaire, biodiversité, intégration dans un réseau intelligent d’énergie. Des thèmes classiques des référentiels d’écoconstruction.

 

* Franchir de nouvelle étapes

Des évolutions sont encore attendues dans les prochaines années. Mi-juillet 2021, la Commission européenne a annoncé son programme d’« ajustement à l’objectif 55 » (Fit for 55) auquel les États de l’Union européenne vont devoir se conformer. Il projette une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Ce qui suppose une réduction des consommations d’énergie finale de 36 % (9 % de plus que dans le précédent programme), de passer à 40 % de renouvelables dans le mix énergétique, d’utiliser 49 % d’énergies renouvelables dans le bâtiment, d’intégrer l’économie circulaire dans la construction. Ces prescriptions seront progressivement déclinées dans les réglementations et vont généraliser la construction écologique.

 

Découvrez comment les technologies BIM peuvent vous aider à collecter et analyser des données environnementales pour une meilleure conception des installations.

 

A propos de l'auteur

Journaliste spécialisée dans les nouvelles technologies, Audrey Oeillet aime depuis longtemps comprendre comment fonctionne le monde qui l’entoure. Passée par Clubic (groupe M6) et par 01net (groupe Altice), elle a développé sa passion pour l’informatique et l’IoT au fil des années, tout en gardant comme objectif de rendre les technologies accessibles aux lecteurs de tous les niveaux. Aujourd’hui rédactrice indépendante, elle touche à tout, de la montre connectée pour sportif aux arcanes de la construction connectée, et elle croit dur comme fer à l’avenir d’un monde où tous les objets finiront par être interopérables.